Bonjour l'asile, de Judith Davis
UFO distribution

Judith nous présente sa deuxième réalisation après Tout ce qu'il me reste de la révolution.

"Jeanne quitte quelques jours le stress de la vie urbaine pour aller voir sa grande amie Elisa, récemment installée à la campagne. Au cœur des bois voisins, un château abandonné devenu tiers-lieu, foisonne d’initiatives collectives. Elisa aimerait s'y investir, mais entre biberons et couches lavables, elle n'en a pas le temps. Jeanne, en militante des villes, n'y voit aucun intérêt. Quant à Amaury, promoteur en hôtellerie de luxe, le château, lui, il veut l'acheter. Tous trois convergent malgré eux vers ce lieu d’entraide et de subversion... Mais combien de temps cet asile d’aujourd’hui pourra-t-il résister à ce monde de fou ?"

En 2019, la comédienne Judith Davis (Jacquou le Croquant) réalisait son premier long, Tout ce qu'il me reste de la révolution. Une dramédie sociale conçue spécialement pour son collectif de théâtre, L'avantage du doute. Il aura fallu patienter six ans pour qu'elle revienne avec une nouvelle mise en scène pour le cinéma, tout aussi engagée et mélangeant les genres : Bonjour l'asile.

Pour présenter son concept, elle narre elle-même la bande-annonce de cette nouvelle comédie, expliquant de façon ludique ses objectifs, tout en s'amusant avec : "Bonjour l'asile, c'est un film qui interroge nos choix de vie. Ca parle aussi du couple moderne. C'est également une ode à l'amitié. (…) Ca parle d'un asile où les fous ne sont peut-être pas ceux qu'on croit."

Revoilà donc ses comédiens fidèles Claire Dumas, Maxence Tual, Nadir Legrand ou Simon Bakhouche, tous pris dans la folie de leurs quotidien, jusqu'à ce qu'ils trouvent refuge dans un lieu d'entraide : un château abandonné où foisonnent les initiatives collectives.


 

En novembre, nous avions rencontré la réalisatrice au festival de Sarlat. L'occasion de nous présenter sa vision du cinéma. En voici quelques extraits, entrecoupés de liens vers un précédent entretien avec Judith Davis, qui avait déjà présenté Tout ce qu'il me reste de la révolution dans Première.

Bonjour l'asile sortira le 26 février prochain au cinéma.

Travail collectif

"Le cinéma et le théâtre, ce sont des langages très différents. Le second, c'est une activité très collective, alors que le premier c'est davantage 'mon' projet. J'essaie tout de même de lier les deux en écrivant des films sur mesure pour l'Avantage du doute, avec qui on joue sur scène depuis 2006. C'est pour ça qu'on retrouve les acteurs de mon premier long dans le deuxième.

J'aime cette idée du collectif : pouvoir, dans la fabrication du film, apporter cette dimension. Ce ne sont pas juste des acteurs qui viennent défendre leur partition, ils sont partie prenante de toutes les problématiques que soulève le film. Parce qu'on les a déjà traitées au théâtre ou parce que ce sont des questions qu'on se pose depuis longtemps, des débats qu'on a eus, des désaccords qu'on a expérimentés, qu'on a traversés. Donc ça, c'est hyper important sur le plateau, ça crée une ambiance très particulière, où l'on peut inviter l'équipe technique dans notre monde et casser tout le côté très pyramidal du cinéma, qui est moins ma vision du monde.

J'expérimente la question collective depuis longtemps : on n'a pas de chef, on partage la décision, on doit écrire à la fois seul et collectivement. L'exercice de la démocratie, du partage et de la responsabilité, c'est quelque chose que je vis dans ma tête et dans mon corps depuis très longtemps. Je crois aussi que c'est une des clés de ce dont le monde manque extrêmement cruellement. C'est pour ça que j'ai choisi de travailler comme ça, c'était pour qu'il y ait un endroit dans ma vie sociale, professionnelle, où le monde n'était pas absent. On ne ferme pas la porte pour s'enfermer dans son bureau, quand on est un collectif, on est dans le monde."

Pourquoi Judith Davis s’intéresse à l’engagement dans Tout ce qu’il me reste de la révolution

re(prendre) la parole

"Le film interroge beaucoup la question du langage, la question des mots. Les mots sont commercialisés comme tout le reste. Le point de départ, ce 'Bonjour l'Asile', c'est vraiment cette espèce de parasitage permanent, ce bavardage incessant. Les voix du bus, du métro... Parfois, on ne parle même plus à des humains, ce sont des enregistrements de voix, des AI, on nous donne des ordres... On essaie de survivre à coup de mot de passe où ce n'est même plus du langage, tout est disloqué. Puis surgissent des mots plus essentiels. Il peut y en avoir un qui veut sortir, mais qu'on n'arrive plus à dire. On voit (dans la bande-annonce, d'ailleurs) que certains hommes doivent se réhabituer à dire des mots du corps féminin qui les gênent, les embarrassent. Il y a cette jeune femme qui a d'un seul coup besoin de parler à son père, mais qui ne veut pas qu'on règle ça dans la cuisine ou dans le foyer. Elle a besoin que ce soit fait de manière collective, dans une cérémonie qu'on invente. Parce que tout ce qu'on vit dans nos maisons, avec nos pères, nos mecs, avec nos amis, nos enfants... eh bien c'est peut être plus politique que ce qu'on croit. Cela ne relève peut être pas que de l'ordre de l'intime."

Jouer avec différents sujets et tons

"Encore plus que dans mon premier film, il y a la dimension du langage et la dimension du jeu. Le jeu est partout, il nous fait vivre, il y a le jeu des enfants, et celui des adultes, ce qui se 'déjoue' justement les mises en scène sociales. Et puis il y a le jeu qui a oublié qu'il était un jeu, toute cette manière d'être dans des personnages sociaux. Cette idée de masque social neutre. Qui est aussi une façon de jouer, mais qui est un jeu inconscient de lui même.

Ça peut avoir une apparence assez baroque d'avoir plein de sujets, mais en fait, la ligne transversale, elle est très claire et elle est commune à tous et toutes ces facettes. Pour que ça dépasse la question de la blague, il faut déployer un arsenal de questionnements. C'est pour ça que le film va dans toutes ces directions..."

Judith Davis : "On ne rentrait pas dans les cases"