Toutes les critiques de L'usine de rien

Les critiques de Première

  1. Première
    par Thierry Chèze

    Ne vous laissez pas effrayer par sa durée : ses 2h57 qui, inévitablement, donnent ça et là quelques coups de mou dans le récit mais sans en endommager la puissance. Car L’usine de rien constitue vraiment un geste cinématographique à part. A l’image de Charlotte Pouch et son formidable et récent Des bobines et des hommes, le portugais Pedro Pinho raconte la réaction d’ouvriers à l’annonce brutale de leurs licenciements qui vont décider d’occuper leur usine puis d’en prendre les rênes et d’imaginer de nouvelles façons de travailler. Sauf que, contrairement aux premières apparences, L’usine de rien n’est pas un documentaire. Car si ses protagonistes ont bien vécu une grande partie de ce qu’on voit à l’écran, ils rejouent ces jours douloureux au cœur d’une fiction aux accents de vérité déchirants. Comme un exorcisme sous le regard d’un cinéaste qui fait corps avec eux. Qui ne cherche jamais, avec condescendance, à les caresser dans le sens du poil : L’usine de rien pointe les dilemmes de beaucoup, entre leur intérêt personnel et celui du collectif. Mais qui les emmène dans un voyage en cinéma où soudain surgissent à l’écran un moment de comédie musicale ou une échappée irréelle dans un marécage peuplé d’autruches. A l’écran, on ne sait donc jamais ou presque à quoi s’attendre. Pinho et ses complices nous embarquent dans un mix parfait entre réalisme et baroque. L’art de parler d’emploi en faisant fi de tout mode d’emploi.