Fin février, Bully, documentaire signé Lee Hirsch et consacré au bizutage dans les écoles américaines, avait été interdit de diffusion dans les collèges des USA. Un comble, selon le réalisateur, qui souhaitait le diffuser au plus grand nombre d’enfants et d’ados afin de servir de document exemplaire et de lutter contre les méfaits du bizutage.En effet, le refus du réalisateur de couper dans le film avait entraîné aussi sec une classification « R » au film de la part de la MPAA (Motion Picture Association Of America, qui s’occupe de viser les films) : R pour « Restricted », c’est-à-dire interdit aux mineurs non accompagnés. La Weinstein Company, qui produit et distribue le film, fait appel de cette décision et se fait envoyer bouler. Harvey Weinstein n’étant pas homme à se laisser faire, il décide de passer à la vitesse supérieure, comme nous l’apprend un communiqué officiel publié vendredi par le studio. Notamment en usant d’un allié de poids, l’ancien sénateur du Connecticut Chris Dodd, membre de la MPAA.Principal changement : Weinstein accepte désormais de couper trois mots grossiers du film, sans doute les « fuck » (sans que l’on sache encore précisément quels mots ont été censurés). Et ça marche : la MPAA vient donc de décider que le film allait recevoir une classification « PG-13 », ou « déconseillé aux moins de 13 ans ». Et d’autoriser Bully à pouvoir être diffusé dans les collèges américains, et ce malgré le fait qu’une scène de violence entre élèves paraît-il assez intense n’aie pas été coupée.« Le soutien du Sénateur Dodd donne une voix aux millions d’enfants victimes de maltraitance à l’école », se félicite Harvey. « Au nom de The Weinstein Company, au nom du réalisateur, des familles du film et des millions d’enfants et de parents qui peuvent maintenant voir Bully, je le remercie de reconnaître que le vrai problème soulevé par ce film ne peut plus être ignoré. » Même le réalisateur est ravi d’avoir une classification plus douce sans avoir eu à couper sa scène-clef : « Nous avons remporté une victoire sur la MPAA », déclare Lee Hirsch, qui il y a un mois que les gros mots du film étaient normaux, car « pour rendre compte de la violence des gestes et des paroles des enfants brutaux, on a dû filmer leur véritable façon de vivre. Et oui, les jeunes disent des gros mots ». Bref. « On félicite la MPAA d’avoir changé la classification de R à PG-13. Tous les adolescents du pays devraient voir Bully », estime quant à lui Dennis Van Roekel, président de la National Education Association (le syndicat enseignant majoritaire). Tout le monde est content ?Ne nous y trompons pas, la posture morale de la Weinstein Company (qui a monté une campagne mi-promo mi-charitable « anti-bizutage » autour du film) ne cache rien d’autre qu’une stratégie commerciale. Qui dit classement « R » dit public plus réduit, et qui dit public plus réduit dit recettes plus réduites. En deux mots : plus la classification du film est faible, plus son succès est potentiellement grand. Et au-delà, cette affaire est symptomatique d’une des stratégies commerciales d’Harvey Weinstein : faire parler du film un maximum, même s’il choque, même s’il est plein de « fuck », de sexe et de sang. Puis couper dedans le maximum d’éléments gênants afin de pouvoir sortir une version le plus grand public possible. Une stratégie qui avait fonctionné à plein avec Le Discours d’un roi l’an dernier, le film ayant été amputé de sa scène où Colin Firth enchaîne les « fuck » à la suite de son succès aux Oscars.
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Le documentaire Bully censure ses gros mots
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