Ce qu’il faut voir cette semaine.
L’ÉVENEMENT
A STAR IS BORN ★★★★☆
De Bradley Cooper
L’essentiel
Bradley Cooper passe derrière la caméra, démaquille Lady Gaga et transforme le mythique Une Etoile est née en mélo pop irrésistible.
"Cette histoire est faite pour être racontée tous les 20 ans", disait Barbra Streisand en 1976, au moment de la sortie de sa version d’Une étoile est née troisième du nom, après celles de William Wellman (1937) et de George Cukor (1954). Il s’est écoulé 40 ans depuis, mais ce n’est pas comme si Hollywood n’avait pas, dans l’intervalle, essayé par tous les moyens d’en tourner un nouveau remake : Whitney Houston et Will Smith avaient failli y parvenir dans les années 90, puis Clint Eastwood et Beyoncé…
Frédéric Foubert
PREMIÈRE A ADORÉ
AMIN ★★★★☆
De Philippe Faucon
Amin trime dur en France depuis neuf ans pour faire vivre sa famille restée au pays -le Sénégal, en l’occurrence. Logé dans un foyer de travailleurs immigrés, où il côtoie d’autres déracinés minés par l’éloignement et la solitude, Amin rencontre un jour Gabrielle, femme divorcée chez qui il effectue un terrassement. Le désir s’immisce, l’amour peut-être...
Christophe Narbonne
NOS BATAILLES ★★★★☆
De Guillaume Senez
On n’imaginait pas forcément Romain Duris en working class hero dardennien, et pourtant, l’acteur fétiche de Cédric Klapisch porte brillamment Nos Batailles. Plus subtil et vulnérable que jamais, il incarne Olivier, syndicaliste ouvrier dont la femme quitte brusquement le foyer, sans explication, le laissant seul avec deux enfants à charge. Comme dans son précédent film Keeper, Guillaume Senez s’intéresse à la paternité, et plus précisément, à ce que la prise de conscience de cette parentalité peut impliquer de mutations sur la vie d’un homme.
Éric Vernay
BLINDSPOTTING ★★★★☆
De Carlos Lopez Estrada
Le titre fait référence à une forme de préjugé qui entraîne un observateur partial à ne voir qu’un seul côté des choses. Comme de considérer chaque Noir comme un criminel en puissance. C’est l’un des nombreux thèmes évoqués dans cette fiction aux ambitions multiples, écrite par deux amis d’enfance –un noir et un blanc, qui jouent eux-mêmes des personnages inspirés de leur propre expérience. Le film démarre par un suspens magistral en annonçant que Collin vit ses trois derniers jours de liberté conditionnelle. Sans rien connaître de lui, on redoute déjà les ennuis à venir, d’autant que sa couleur de peau l’oblige à redoubler d’attention. A côté, Miles, son ami d’origine hispanique, est beaucoup plus libre de ses mouvements, malgré un comportement irresponsable partiellement motivé par sa frustration de voir le quartier s’embourgeoiser. Incidemment, le fait qu’ils soient déménageurs les place dans une situation idéale pour observer en direct comment la ville d’Oakland se transforme, pour le meilleur et pour le pire. Si la plupart des informations sont dispensées verbalement, leur caractère prosaïque est compensé par un artifice risqué : il arrive aux deux lascars d’improviser des vers (les auteurs viennent du slam) au milieu de situations souvent tendues. Cette façon d’utiliser le rap comme un équivalent des chansons dans la comédie musicale représente le pari poétique le plus osé de ce premier film dont les qualités surpassent largement les défauts.
Gérard Delorme
LA SAVEUR DES RAMEN ★★★★☆
D’Eric Khoo
N’importe qui ayant eu une grand-mère ne serait-ce qu’un peu portée sur la marmite sait que les émotions ne se transmettent pas tant avec les mots que par la capacité de l’autre à finir ou non une assiette qui a été remplie déjà trois fois. Présenté à l’occasion du dernier Festival de Berlin, La saveur des ramen suit Masato, un jeune chef au Japon, spécialisé dans ce type de bouillon populaire. A la mort de son père, il part à Singapour redécouvrir le goût des plats que lui cuisinait sa mère quand il était enfant, en particulier du bak kut teh, soupe peu chère et prisée localement. Mais ce voyage culinaire sera aussi l’occasion de retrouver une famille déchirée par le souvenir de la guerre et les regrets. Laissant un peu de côté les films choraux auxquels il a habitué le public, le singapourien Eric Khoo réveille cependant sa fascination pour le Japon, déjà évoquée dans Mee Pok Man et Tatsumi. A travers l’histoire de Masato, il raconte celle du métissage, de sa richesse et de sa bipolarité latente, de la transmission du savoir et du pardon. Mais avec pour langage commun celui de la nourriture. Si l’on pense évidemment à Tampopo ou aux Délices de Tokyo pour cette célébration de la gastronomie, La saveur des ramen considère, lui, ses nombreux plans de mets, à l’instar du chinois et de son écriture, comme des idéogrammes permettant de déchiffrer un puzzle familial de sentiments enfouis. Et devinez quoi? L’amour est l’ingrédient secret. Attention, cette oeuvre attise autant les glandes salivaires que lacrymales.
Perrine Quennesson
PREMIÈRE A AIMÉ
FRÈRES ENNEMIS ★★★☆☆
De David Oelhoffen
Après son adaptation de Camus avec Viggo Mortensen (Loin des hommes), David Oelhoffen plonge Reda Kateb et Matthias Schoenaerts dans une déclinaison française des tragédies urbaines et intimes de James Gray. En plus brutal. Grandis dans la même cité, Driss (Kateb) et Manuel (Schoenarts) ont choisis des chemins différents : le premier est flic aux Stups et l’autre trafiquant de drogue. Un deal qui tourne mal va les amener à s’affronter… Sur une trame très classique de rivalité flic-voyou s’interrogeant sur l’étroitesse de la frontière qui les sépare, Oelhoffen fait s’enchaîner les scènes d’action qui tabassent, au risque de diluer en cours de route la réflexion sur l’identité qui forme pourtant le socle dramatique de son film. Pas si grave : Read Kateb impressionne en flic torturé et le résultat, à défaut d’être original, est méchamment efficace.
Frédéric Foubert
16 LEVERS DE SOLEIL ★★★☆☆
De Pierre-Emmanuel Le Goff
Vous croyez avoir tout vu et tout entendu de l’aventure de Thomas Pesquet ? Voilà un film qui vous prouve le contraire en vous embarquant dans une expérience inédite pour suivre l’astronaute pendant les six mois –et même plus puisque nous assistons à sa préparation- de sa mission. Le réalisateur Pierre-Emmanuel Le Goff nous offre une vision inédite et intimiste du quotidien dans l’espace : le film alterne images spectaculaires du décollage, de la sortie extra-véhiculaire et des moments plus privés où les astronautes se livrent à leurs tâches. Accompagné des pensées de Saint-Exupéry, l’astronaute confère aussi une dimension poétique au voyage, rythmé par le saxophone – instrument fétiche de Thomas Pesquet- de Guillaume Perret. A noter que le réalisateur a aussi tourné le premier film en VR dans l’espace, Dans la peau de Thomas Pesquet, que vous pouvez visionner via une application disponible sur le PlayStore de Google (Thomas Pesquet VR) et sur l'AppStore (Dans la peau de Thomas Pesquet). A voir avec un casque VR pour les smartphones. Enfin, pour vivre l’expérience la plus immersive possible, vous aurez peut-être la chance de tomber sur une présentation du film en VR sur fauteuil dynamique… Alors là, accrochez-vous !
Sophie Benamon
SHUT UP AND PLAY THE PIANO ★★★☆☆
De Philipp Jedicke
« I wanna be loved and hated in equal amounts » (« Je veux être aimé et haï à part égale »), clamait Chilly Gonzales sur Take Me To Brodway en 2002. Une déclaration identique sert d’ouverture au documentaire Shut Up And Play The Piano, manière d’épouser le point de vue de l’énergumène canadien, qui n’a jamais eu besoin de caméras pour mettre en scène ses paradoxes. A la fois « génie musical » et « supervillain » auto-proclamé, pianiste de formation classique et bête de scène obsédée par le rap, il n’a cessé de brouiller les frontières entre musiques nobles et populaires, spectacle et intimité, interrogeant à travers son alter ego (maniaque) la notion même de rôle… Ce qui en faisait un (anti) héros tout cuit pour le cinéma. Philipp Jedicke opère un tri dans les archives et aligne les témoins-clés pour restituer la logique d’une carrière versatile, qui l’a vu passer de la scène pop de Toronto (un échec vécu comme épisode fondateur) à l’underground berlinois (sa période rap et provoc’) et d’une retraite parisienne (le succès de l’album Solo Piano) aux salons de Cologne (il compose désormais pour un quatuor à cordes). Si le film succombe à quelques sirènes psy, s’arrêtant sur sa relation compétitive avec son frère, il n’est jamais plus juste que quand il devient lui-même performatif, dans ces séquences où des anonymes sont invités à « jouer » Chilly Gonzales. Lui se dit prêt, un de ces jours, à passer le relai afin que son personnage puisse lui survive… Soit le rêve de tout acteur et l’idée maîtresse de Shut Up And Play The Piano, documentaire cannibalisé par son sujet (c’est presque un autoportrait) où l’accès au réel est une manière comme une autre – mais pas la moins efficace - de perpétuer la fiction.
Michaël Patin
CHRIS THE SWISS ★★★☆☆
D’Anja Kofmel
Ne vous laissez pas avoir par l’ouverture sur Jesus He Knows Me. Chris the Swiss n’a rien de dansant. Les images en parallèle en attestent : le sujet de ce documentaire mêlant prises de vue réelles et animation s’avère glaçant. Pour son premier film, la jeune cinéaste Anja Kofmel retrace le parcours de son cousin, un journaliste assassiné à Zagreb en 1992 alors qu’il couvrait la guerre civile en Yougoslavie. Un peu à la façon d’Ari Folman dans Valse avec Bachir, la réalisatrice aborde un conflit aux enjeux complexes par le biais d’une histoire personnelle. Son moteur ? Comprendre ce qui est arrivé à son parent, qui semble ne pas avoir respecté son rôle d’observateur, finissant par choisir un camp dans un conflit aussi hybride que la mise en scène de ce long métrage en forme de travail de deuil.
Perrine Quennesson
UPGRADE ★★★☆☆
De Leigh Whannell
C'est un film qu'on a déjà vu, et qu'on reverra sûrement. Dans un futur proche, un homme devenu paraplégique après l'agression qui a coûté la vie à sa femme se fait greffer une intelligence artificielle qui va lui permettre de marcher -et surtout le doter de capacités extrêmement létales. Ce qui lui permet de partir à la recherche des assassins de sa femme. Très prévisible, donc, Upgrade met pourtant autant de temps qu'un modem 512k à démarrer, mais cette nouvelle production Jason Blum possède quelques très bonnes scènes de baston aussi sanglantes que bien écrites. Surtout, le film déploie un arsenal cyberpunk plausible et impressionnant : éternuement de nanomachines tranchantes ou flingues implantés dans les membres. Ne nous trompons pas, l'arme la plus redoutable d'Upgrade reste le flair de son producteur.
Sylvestre Picard
PREMIÈRE N’A PAS AIMÉ
LE CAHIER NOIR ★☆☆☆☆
De Valeria Sarmiento
Valeria Sarmiento, réalisatrice chilienne, compagne et monteuse de Raoul Ruiz, adapte un roman de Camilo Castelo Branco racontant les mésaventures d’un petit orphelin et de sa jolie nourrice, dont les destins vont être dictés par les soubresauts historiques de la fin du XVIIIème siècle. Le programme de la Cinémathèque française (qui organise cette semaine une rétrospective Sarmiento) nous apprend que ce Cahier Noir est un prequel des Mystères de Lisbonne. A réserver aux membres du fan-club ruizien, donc. Le rythme anémique du récit, les interprétations monolithiques des comédiens et l’atmosphère de production SFP naphtalinée risquent de refroidir les autres.
Frédéric Foubert
EN MILLE MORCEAUX ★☆☆☆☆
De Véronique Mériadec
Limité par son dispositif théâtral (un face à face dans un lieu indéfini) et ses petits moyens (les flashbacks, censés apporter un surplus d’émotion, manquent de relief), En mille morceaux raconte la rencontre entre une mère et l’assassin de son fils. Ou comment réparer l’irréparable par le dialogue. Et le film de déployer timidement sa pédagogie autour de la “justice restaurative” -concept inventé par les anglo-saxons dans les années 70 et très développé au Canada. Clémentine Célarié et Serge Riaboukine font ce qu’ils peuvent pour élever le débat mais n’y parviennent que ponctuellement.
Christophe Narbonne
UNE FOIS COMME JAMAIS ★☆☆☆☆
De Céline Pouillon
Deux criminels de pacotille, en fuite après avoir braqué une bijouterie de campagne, se réfugient chez Mamine, une femme de 96 ans vivant en maison de retraite que sa petite fille a ramené chez elle le temps d’un week-end. Coincés dans une bicoque, les deux hommes s’attachent peu à peu à cette vieille femme dépendante. Comédie sur la vieillesse, Une fois comme jamais interrogeavec légèreté le malheur des personnes âgées et l’indifférence des valides qui les entourent. Si l’intrigue est plutôt originale, les personnages manquent de relief et le scénario de rebondissements.
Maxime Grandgeorge
Et aussi
16 levers de soleil de Pierre-Emmanuel Le Goff
Alad’2 de Lionel Steketee
Une fois comme jamais de Céline Pouillon
Reprises
Le Fanfaron de Dino Risi
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