Ce qu’il faut voir cette semaine.
L’ÉVENEMENT
VENOM ★☆☆☆☆
De Ruben Fleischer
L'essentiel
Tom Hardy se noie dans ce blockbuster qui semble sorti d’une autre époque.
Dopé aux retournements de situation et aux coïncidences improbables, le film ne fonctionne qu’en ruptures de ton maladroites. Fleisher passe sans avertissement du thriller fantastique à la comédie cartoonesque gênante, et finit par tout transformer en pastiche (le genre super-héroïque, les dialogues, Tom Hardy lui-même).
François Léger
PREMIÈRE A ADORÉ
L’AMOUR FLOU ★★★★☆
De Romane Bohringer et Philippe Rebbot
Ils ont pris tout ce qu’ils avaient sous la main (leurs potes connus –Reda Kateb - ou pas, leur chien, leurs enfants, leurs parents – dont Richard -, leurs maisons et même la vraie Clémentine Autain) pour ficeler, à bas coût, la plus attachante anti-comédie romantique de l’automne. Mais Romane Bohringer et Philippe Rebbot, véritable couple à la vie, ont surtout pris leurs sentiments réels pour construire le récit bien fagoté de la déliquescence de leur amour.
Anouk Féral
GIRL ★★★★☆
De Lukas Dhont
Lara a 15 ans, de beaux cheveux blonds et des yeux bleus pénétrants. Elle aspire à devenir danseuse et se bat pour être à la hauteur et faire virevolter un corps dont on sent bien vite qu’il souffre. À partir d’un tel sujet, le film pourrait glisser tranquillement sur les rails d’un récit adolescent comme il en existe des kyrielles. Sauf que le corps même du film semble, lui aussi, résister.
Thomas Baurez
DOMINGO ★★★★☆
De Clara Linhart et Fellipe Barbosa
Dans une maison de campagne au sud du Brésil, une famille nombreuse de la grande bourgeoisie se retrouve pour des libations dominicales. C’est le 1er janvier 2003, jour de la prise de fonction du président Lula. Famille et lutte des classes, on connaît la chanson. Comme on imagine l’impact d’un tel film à l’orée de nouvelles élections, dont les enjeux semblent tragiquement inversés. La puissance de Domingo tient dans la manière dont Fellipe Barbosa (Gabriel et la montagne) et sa compagne Clara Linhart tirent profit de leur dispositif spatio-temporel (un jour, un lieu), filmant les rapports de force dans leur complexité cacophonique, n’expliquant rien pour forcer l’œil à trouver son chemin en terrain miné. Cette saturation initiale, dont la vitalité dingue renvoie aux belles heures du cinéma choral à l’italienne (on peut aussi penser à Milou en mai), s’éclaircit au fil des engueulades, des coucheries, des mensonges et des humiliations. Autant de passages obligés que les cinéastes débarrassent de toute pesanteur : leur regard panoptique ne laisse personne sur le bord de la route (une vingtaine de personnages finement exploités) et chahute sans arrêt nos attentes. Les liens entre causes et conséquences ne sont jamais mécaniques, l’éclosion du plaisir et de la colère toujours anfractueuse. Il suffit d’un verre brisé, d’une chanson fredonnée, d’une coupure de courant pour troubler le statu quo et rebattre les cartes. Mieux qu’un précipité de réalisme sociologique, Domingo est un portrait en puzzle de l’âme brésilienne. Un film sur la vie dans sa grisante contradiction.
Michaël Patin
RBG ★★★★☆
De Betsy West et Julie Cohen
Lunettes immenses et carrées qui lui mangent la moitié du visage, col en dentelle et cheveux tirés en chignon strict, le look de Ruth Bader Ginsberg, 85 ans, se décline à l’infini sur des tote bags ou des mugs. Celle dont la biographie intitulée Notorious RBG est chapitrée par les paroles du rappeur notoire B.I.G est devenue ces dernières années un véritable symbole pop et féministe. Mais comme le démontre le documentaire de Betsy West et Julie Cohen, qui fut le succès surprise de cet été aux États-Unis, la juge Ginsberg mérite ce statut tardif. Sur un mode assez hagiographique, le documentaire est rythmé par les différentes affaires qu’elle a défendues, et souvent gagnées, qui en ont fait une championne de l’égalité des sexes arguant principalement que la clause de protection égale du 14ème amendement devait s'appliquer aux femmes pour notamment remédier aux écarts d'embauche, de pratiques commerciales et de politique publique. On y découvre aussi l’autre versant, plus personnel, d’une épouse heureuse en mariage qui a étudié le droit dans les années 1950 à Harvard où elle faisait partie des neuf femmes d’une promotion qui comptait 500 hommes. On peut supposer que la question posée lors de son entrée, « Comment justifiez-vous de prendre la place d'un homme compétent ? », a dû allumer sa flamme féministe. Militant sans jamais tomber dans le prosélytisme, RBG atteste par l’exemple d’une époque qui commence enfin (parfois maladroitement préférant l’iconisation aux faits) à relire son histoire au féminin.
Perrine Quennesson
PREMIÈRE A AIMÉ
DILILI À PARIS ★★★☆☆
De Michel Ocelot
Il aura fallu douze ans à Michel Ocelot pour tourner un troisième long métrage original. À l’instar d’Azur et Asmar, Dilili à Paris bénéficie d’une animation 3D à plat et de couleurs unies chatoyantes qui en font des films d’animation à part, quelque part entre l’enluminure et les arts graphiques.
Christophe Narbonne
GALVESTON ★★★☆☆
De Mélanie Laurent
Début 2014, les fans les plus acharnés de la première saison de True Detective s’étaient tous précipités en librairie pour acheter Galveston, premier roman de Nic Pizzolatto, écrivain jusqu’alors inconnu devenu showrunner-superstar du jour au lendemain. Histoire de tuer le temps entre deux épisodes.
Frédéric Foubert
VOYEZ COMME ON DANSE ★★★☆☆
De Michel Blanc
Suite, seize ans plus tard, d’Embrassez qui vous voudrez, Voyez comme on danse n’a conservé du casting original que Rampling, Viard et Bouquet côté filles, Dutronc et Blanc côté garçons –dans des rôles en retrait. Recentré sur ces dames, soudées par leur amitié née dans l’adversité, le nouveau Michel Blanc évoque toujours la difficulté d’être femme (mère, épouse, amante) dans un monde en mutation qu’elles savent désormais mieux domestiquer. Victimes de cette prise de pouvoir soft, les hommes brillent toujours autant par leur médiocrité, comme ce Julien (Rouve), nouveau compagnon de Lucie (Bouquet), parano et menteur. Portraitiste et dialoguiste hors pair, Michel Blanc signe une nouvelle comédie chorale efficace, sans doute moins originale et corrosive que la précédente mais bien au-dessus de la moyenne.
Christophe Narbonne
L’AUTRE RIO ★★★☆☆
De Emilie B. Guérette
Tourné en marge des JO de Rio 2016, ce documentaire s’intéresse au sort des habitants de “L’IBGE”, un ancien édifice fédéral désaffecté devenu le refuge des miséreux cariocas. « Nous ne sommes pas des mendiants mais des gens et des familles qui luttent », précise une intervenante (’une des nombreuses mères de famille, seules ou en couple, piliers du lieu), qui rêve d’un avenir meilleur pour ses enfants, lesquels jouent au milieu de décombres ou soufflent dans des cartouches vides. Le constat est accablant, pourtant la réalisatrice privilégie le souffle de vie qui parcourt cet endroit sinistre, vibrant au rythme des buts de la sélection brésilienne promise au titre olympique.
Christophe Narbonne
LINDY LOU, JURÉE N°2 ★★★☆☆
De Florent Vassault
Jackson, Mississippi. Rongée par la culpabilité d'avoir participé à un jury dont le verdict fut la peine de mort, 22 ans plus tôt, Lindy Lou part à la rencontre des 11 autres jurés. Certains regrettent leur choix, d’autre non. Certains refusent de lui répondre, d’autres ont, comme elle, très envie de se confier. Le vertige moral de la vieille dame n'a rien d'évident en pleine "Bible Belt" pieuse et pro-peine de mort mais, si la compassion de Lindy pour le condamné passe très mal dans son entourage, ses rencontres avec les jurés provoquent en revanche quelques étincelles. Elles libèrent une parole souvent enfouie, loin de la caricature habituelle de l'électorat trumpiste. Au prévisible tract anti-peine de mort, ce beau road-movie documentaire préfère le cheminement d’une pensée en construction.
Eric Vernay
PREMIÈRE A MOYENNEMENT AIMÉ
IMPULSO ★★☆☆☆
D’Emilio Belmonte
Ce documentaire d’Emilio Belmonte nous plonge dans la création d’un spectacle d’une des reines du flamenco moderne : l’espagnole Rocio Molina. Un personnage aussi attachant qu’impressionnant dans sa manière de repousser les limites du flamenco traditionnel en cherchant des points de rupture corporels. Pour un résultat indéniablement fascinant et spectaculaire. Mais quel dommage que Belmonte n’invente, lui, pas grand-chose dans la manière de regarder et de filmer cette artiste hors pair pour accompagner par sa réalisation l’aspect révolutionnaire de son travail. Comme hypnotisé par son sujet, il signe un film de spécialiste pour les spécialistes, laissant les profanes un peu trop à l’écart par manque tout à la fois d’inventivité et de pédagogie.
Thierry Cheze
PREMIÈRE N’A PAS AIMÉ
LA PARTICULE HUMAINE ★☆☆☆☆
De Semih Kaplanoğlu
L'Europe dans le futur : les survivants ont fui la nature devenue stérile dans des villes-dortoirs totalitairement désespérées. Un agronome (le trop rare Jean-Marc Barr) découvre la piste d'un savant disparu qui aurait trouvé la clé de la survie. Les quinze premières minutes de La Particule humaine sont d'une efficacité redoutable, mettant en scène avec une belle photo en noir et blanc le wasteland d'un futur déprimant (la terre est morte, les migrants se font électrocuter par des barrières d'energie) dont la puissance d'évocation est digne du prologue de Blade Runner 2049. Mais visiblement plus inspiré par Tarkovski que Ridley Scott, le réalisateur turc Semih Kaplanoğlu se perd ensuite dans un mysticisme judéo-chrétien finalement aussi creux que prévisible. Dommage, tant les films de science-fiction originaux se font rares, surtout quand ils viennent d'Europe.
Sylvestre Picard
Et aussi
Grande-Synthe de Béatrice Camurat Jaud
Johnny English contre-attaque de David Kerr
Tazzeka de Jean-Philippe Gaud
Reprises
Il était une fois dans l’Ouest de Sergio Leone
Borsalino de Jacques Deray
Le flic de Beverly Hills de Martin Brest
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