L’adaptation du sulfureux roman de Nabokov par Kubrick, sortie en 1962, est à l’honneur de Place au cinéma ce soir sur France 5, présenté par Dominique Besnehard.
Le premier et seul scénario écrit par Nabokov
Pour son cinquième long métrage, Stanley Kubrick a choisi d’adapter le roman de Vladimir Nabokov, publié cinq ans plus tôt en 1957. L’histoire d’un universitaire européen qui va tomber amoureux de la toute jeune fille de la veuve quadragénaire qui le loge, à la recherche désespérée d’un mari. Une passion interdite qui le conduira à sa perte. Et c’est tout à la fois une première et un cas unique. Une première car Lolita ouvre la longue liste des écrits de Nabokov à être portés sur grand écran (avant La Chambre obscure, Roi, dame, valet, La Défense Loujine…). Et un moment inédit car ce sera la seule fois où l’écrivain se fera scénariste. Une exception qui s’explique peut-être par la fin de l’aventure Lolita : Kubrick a en effet organisé une projection à Nabokov quelques jours avant la première et l’écrivain a pu y découvrir… que tous ses apports au scénario avaient disparu ! Mais beau joueur, il a défendu le film lors de sa sortie et salué le travail de son réalisateur comme de ses comédiens.
La révélation Sue Lyon
C’est en apercevant Sue Lyon dans Letter to Loretta, la série centrée sur la comédienne Loretta Young, que Stanley Kubrick a eu l’idée de lui confier le rôle de Lolita. Elle a 15 ans lorsque le tournage débute et c'est son physique plus mûr que son âge qui a conforté le réalisateur dans son choix, voulant à tout prix éviter que son héroïne ne dégage à l’écran un aspect trop enfantin. N’ayant pas atteint 16 ans le jour de la première de Lolita, Sue Lyon n’a pas pu y assister mais elle sera peu après récompensée du Golden Globe de la révélation de l’année. Bien qu’admirateur de son travail, Nabokov avouera des années plus tard le nom de l’actrice qui aurait fait la Lolita idéale à ses yeux : Catherine Demongeot, l’héroïne de Zazie dans le métro de Louis Malle. N’empêche, Sue Lyon fut si crédible dans ce rôle qu’elle n’y survécut jamais artistiquement. Après avoir tourné deux John Ford (La Nuit de l’iguane et Frontière chinoise), elle a peu à peu disparu des écrans. Sa dernière apparition au cinéma remonte à 1980 et L’Incroyable alligator de Lewis Teague.
Un rôle refusé par beaucoup
La liste des comédiens ayant refusé le rôle sulfureux d’Humbert Humbert est longue comme le bras : Cary Grant, Charles Boyer, Laurence Olivier, David Niven… ont tous dit non d’eux-mêmes ou sur les conseils de leur entourage. Errol Flynn fut aussi un temps envisagé mais s’est éteint avant le tournage. Et c’est James Mason, le héros d’Une étoile est née et de La Mort aux trousses qui a finalement joué cet universitaire européen, après avoir pu se libérer d’un engagement théâtral. Il confiera plus tard, devant la performance de son partenaire Peter Sellers, avoir mal choisi son rôle.
La voix de son maître
Pour jouer Clare Quilty, l’alter ego d’Humbert Humbert, son double drolatique, Kubrick a choisi Peter Sellers, séduit par son travail dans La Bataille des sexes de Charles Crichton. Et le comédien expliquera avoir modelé le ton de la voix de ce personnage sur celle de Kubrick lui-même. Les deux hommes se retrouveront deux ans plus tard pour Le Docteur Folamour.
Une sortie mouvementée
L’affiche de Lolita résume à elle seule l’ambiance entourant la sortie du film. On peut y lire cette phrase de Nabokov : "Comment ont- ils pu filmer Lolita ?". Kubrick avait pourtant tout fait pour éviter au maximum les foudres de la censure, en gommant des passages sulfureux du livre et surtout en vieillissant son héroïne, passée, du roman au film, de 12 à 14 ans. Mais rien n’y fit. Au contraire. Lolita subit à la fois les reproches des milieux puritains et de certains admirateurs de l’œuvre originelle qui l’accusèrent de l’avoir trahie. Et des années plus tard, le cinéaste avouera que s’il avait su tout ce qui allait se passer, il n’aurait pas tourné Lolita. Ce qui aurait été regrettable.
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