Première
par Thomas Baurez
A celles et ceux qui verraient le cinéma français indécrottablement tourné vers son petit nombril, des signaux viennent parfois ouvrir des horizons. En 2016, Arthur Harari signait ainsi avec Diamant noir un thriller tendu dans le milieu des diamantaires à Anvers. Le cinéaste va ici plus loin. En l’occurrence, sur une île du Pacifique en 1944, remontant le fil d’une aventure hors norme, jusqu’en 1974. Trente ans de la vie entre parenthèses d’Hiro Onoda, soldat japonais en poste à Lubang dans les Philippines qui refusa d’accepter la fin de la Seconde Guerre Mondiale et la reddition de son pays. L’homme enrôla avec lui deux pauvres bougres et vécut loin du monde attendant d’hypothétiques ordres de ses supérieurs. A partir de l’histoire de ces « traînards » (l’armée japonaise en aurait compté près de 130), le grand Josef von Sternberg avait signé le très beau Fièvre sur Anatahan en 1952, son avant-dernier film, où une figure féminine cristallisait toutes les passions de soldats désespérés et agressifs. Le film d’Harari, plus sec et distancié, regarde son anti-héros s’accrocher à sa propre réalité. Une réalité qui est aussi celle du film jusqu’au bout. Car hormis une première partie qui avance de sas en sas temporel vers Onoda, le récit va peu à peu se délester de tout ornement narratif pour vivre au présent cette abnégation. La mise en scène précise, découpée avec soin, parvient à se jouer du mystère d’un être insondable mais dont l’entêtement aussi absurde soit-il, a tout d’une quête sacrificielle. Onoda est un film de survie, d’aventure, japonais aussi dans la pureté qu’il dégage. Un film d’Arthur Harari surtout, dont on retrouve cette formidable capacité à faire corps avec son personnage.