Ce soir, France 2 offre sa deuxième partie de soirée et à Mathieu Kassovitz avec la diffusion de L'ordre et la morale, sa septième (et jusqu'ici dernière) réalisation, sortie en salles en 2011. Le film marqua le retour de Kassovitz derrière la caméra après le très chaotique et houleux Babylon A. D., plombé par une production anarchique et des relations extrêmement tendues avec son acteur Vin Diesel. Promettant de mettre sous les projecteurs le drame méconnu d'Ouvéa, sujet sensible de l'histoire récente de notre pays, L'ordre et la morale fut au final une œuvre polémique typique de l'artiste engagé qu'est Mathieu Kassovitz, mais aussi un échec qui atteint durement son auteur.Un pan méconnu et polémique de l'HistoireEn réalité, Mathieu Kassovitz mettra près de dix ans à mettre en forme L'ordre et la morale. Dès 2001, l'acteur-réalisateur se montre intéressé par le sujet et décide de se rendre en Nouvelle-Calédonie auprès des populations kanaks pour évoquer le drame d'Ouvéa et leur demander la permission de transposer cette histoire sur le grand écran. La prise d'otages d'une trentaine de gendarmes d'Ouvéa par un groupe indépendantiste est en effet un sujet sensible dans l'histoire politique récente.Survenue le 27 avril 1988, elle dura jusqu'au 5 mai dans un contexte très particulier pour cette collectivité d'outre-mer en proie depuis des années à des tensions entre indépendantistes et partisans de son maintien au sein de la République française. En effet, elle se déroula pendant l'entre deux tours de l'élection présidentielle opposant François Mitterrand à Jacques Chirac. Elle se conclut finalement sur l'assaut de la grotte qui conduisit à la mort de dix-neuf preneurs d'otages et de deux policiers.Pour raconter cette histoire ô combien sensible, Kassovitz s'est inspiré de La morale et l'action, les mémoires de Philippe Legorjus, capitaine du GIGN en charge de la gestion des négociations avec les ravisseurs, qu'il interprète par ailleurs à l'écran, ainsi que d'un ouvrage collectif, Enquête sur Ouvéa. Mais malgré le souci de Kassovitz de rendre justice aux événements (qui le conduira à réécrire près de vingt-cinq versions du scénario en huit ans), le tournage est jalonné de polémiques : l'armée française refuse d'apporter son soutien pour la reconstruction de certains décors face aux partis pris du film tandis que les salles de Nouvelle-Calédonie décident de ne pas diffuser le film à sa sortie en salles de peur de rouvrir de vieilles blessures.Un échec qui a marqué KassovitzÀ sa sortie en salles, le film divise profondément la critique. De son côté, Première fait partie des défenseurs de l'oeuvre, qui a le mérite malgré son manque de moyens de mettre un coup de pied dans la fourmilière : "L’assaut de la grotte d’Ouvéa, épilogue sanglant de plusieurs années de contestation violente en Nouvelle-Calédonie, figure parmi les heures sombres de l’histoire de la Ve République. Commandant du GIGN à cette époque, Philippe Legorjus a consigné les faits dans un livre édifiant dont s’est inspiré Mathieu Kassovitz, qui interprète lui-même le supergendarme. Notre polémiste préféré y a vu, à juste titre, un moyen de dénoncer les manœuvres politiciennes dans ce qu’elles ont de plus immoral. Tous ceux qui aiment « Kasso » seront contents de voir qu’il a toujours la niaque et un talent de metteur en scène resté intact. (...) Précisons que Kasso a dû composer avec des moyens très limités, l’absence générale de profondeur de champ prouvant qu’il n’avait pas de quoi « habiller » l’image. La puissance d’évocation de son cinéma en fait oublier certaines faiblesses (interprétation inégale, raccourcis historiques), mais l’essentiel demeure : Kassovitz revient aux affaires, et c’est une bonne nouvelle pour le cinéma français".Malheureusement, L'ordre et la morale souffrira de la polémique et surtout de la coïncidence des calendriers. Le film, qui atterrit dans les cinémas le 16 novembre 2011, se prend en effet en pleine face le raz-de-marée Intouchables, sorti deux semaines plus tôt en salles, et qui ne laisse que des miettes à ses concurrents. Résultat : en dépit de ses qualités, L'ordre et la morale est un échec cuisant qui n'atteint que péniblement les 150.000 entrées dans les salles obscures.Le coup de grâce survient deux mois plus tard avec les nominations aux César. L'ordre et la morale ne récolte qu'une nomination dans la catégorie Meilleure adaptation. Un manque de reconnaissance qui pousse Kassovitz à s'emporter sur les réseaux sociaux, allant notamment jusqu'à parler d'"enculer le cinéma français". Une saute d'humeur dont l'acteur finira par rire lui-même en se rendant sur le plateau des César pour "honorer" sa promesse. Mais depuis, Kasso n'est toujours pas repassé derrière la caméra, bien que les rumeurs d'une suite de La Haine, le film qui l'a propulsé dans le microcosme du cinéma français, se soient multipliées ces derniers mois.L'histoire de L'ordre et la morale : Avril 1988. Île d’Ouvéa, Nouvelle-Calédonie. Un groupe d’indépendantistes Kanaks attaque la gendarmerie de Fayaoué, tue 4 gendarmes et en enlève 30 qu’ils vont retenir en otage dans une grotte isolée sur cette toute petit île. L’État français envoie l’Armée avec 300 hommes et un véritable arsenal de guerre pour rétablir l’ordre. Entre le premier et le second tour des élections présidentielles, opposant François Mitterrand et son premier ministre Jacques Chirac, le capitaine Philippe Legorjus du GIGN va passer dix jours à négocier avec les différents acteurs de ce drame, sans parvenir à éviter l’assaut final qui conduira à la mort de 19 Kanaks et de 2 militaires. L'ordre et la morale est diffusé ce soir à 22h35 sur France 2.
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