Après la Palme d'Or de Moi, Daniel Blake en 2016, Ken Loach revient en compétition avec un nouveau brûlot anticapitaliste. Pour un troisième sacre ?
De quoi ça parle ? Des pauvres. Et, une fois de plus après Moi, Daniel Blake, de Newcastle. Sorry we missed you, s’annonce comme un nouveau portrait social et réaliste de la vie des couches les plus défavorisées de la société britannique. Le synopsis officiel ressemble à du Ken Loach puissance mille : « Ricky, Abby et leurs deux enfants vivent à Newcastle. Leur famille est soudée et les parents travaillent dur. Alors qu’Abby travaille avec dévouement pour des personnes âgées à domicile, Ricky enchaîne les jobs mal payés ; ils réalisent que jamais ils ne pourront devenir indépendants ni propriétaires de leur maison. C’est maintenant ou jamais ! Une réelle opportunité semble leur être offerte par la révolution numérique : Abby vend alors sa voiture pour que Ricky puisse acheter une camionnette afin de devenir chauffeur-livreur à son compte. Mais les dérives de ce nouveau monde moderne auront des répercussions majeures sur toute la famille… »
Le passé cannois de Ken Loach. A ce niveau-là, ce n’est plus un habitué : à Cannes Ken Loach fait littéralement partie des meubles. Après dix-neuf passages sur la croisette, Sorry we missed you sera sa quatorzième fois en compétition. Loach a gagné la palme d’or à deux reprises. La première fois c’était en 2006 pour Le Vent se lève, la seconde en 2016 pour Moi, Daniel Blake. Il a reçu le prix du jury à trois reprises, et des pelletées de prix œcuméniques. Est-ce que ce Sorry we missed you sera son passeport pour une troisième palme ?
Pourquoi on l’attend ? Acteurs inconnus, dénonciation de l’effrayante mutation du monde du travail en Angleterre et paupérisation des masses laborieuses : Citizen Loach n’a toujours pas abdiqué. Depuis des années, avec son scénariste complice Paul Laverty, Loach signe des manifestes engagés, des fables sociales inspirées par une noble indignation (au risque de flirter avec le manichéisme). Présenté entre l’acte XXVII et XXVIII des gilets jaunes, son dernier film devrait porter encore plus haut et encore plus fort la parole de ceux qu’on n’écoute et qu'on ne voit plus. Et surtout porter le fer au cœur du néolibéralisme en dénonçant ce nouvel esclavage numérique. Comptons donc sur Loach pour nous rappeler quelques vérités cruelles du monde dans lequel on vit : sur l’écran maousse du théâtre Lumière, la contestation aura une sacrée gueule.
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