Le co-producteur d’Anatomie d’une chute nous a livré ses impressions à chaud, au sortir de cette soirée qui a vu le film remporter l’Oscar du meilleur scénario original.
Comment avez-vous abordé cette soirée ? Avec de l’espoir ? Un certain stress à l’idée de repartir bredouille ?
David Thion : Je ne vais pas mentir. On savait qu’on avait une chance de repartir avec un Oscar quand on lisait les journaux spécialisés et quand on jetait un coup d’œil aux pronostics. Mais au vu de la concurrence ne serait-ce que dans la catégorie scénario (Winter break, Maestro, May december, Past lives), rien ne nous semblait acquis, loin de là. On avait de l’espoir bien sûr, mais aucune certitude
Comment avez-vous vécu le fait de fouler ce tapis rouge des Oscars pour la première fois ?
Ce qui frappe d’abord, c’est sa longueur ! Il paraît sans fin. Ca n’a rien à voir avec Cannes ou les César. Je pense que Justine (Triet) a dû y passer près d’une heure et demie à répondre aux questions des journalistes du monde entier. C’est assez impressionnant car à l’américaine. Totalement surdimensionné. Et puis, dans la file, en avançant pas à pas, on se retrouve à côtoyer Emma Stone, Robert de Niro… Tout cela a un côté assez dément, rêve éveillé.
Qu’avez-vous ressenti à l’ouverture de l’enveloppe et à l’annonce de la victoire d’Anatomie d’une chute en meilleur scénario ?
Un immense soulagement, une grande fierté et une joie intense. Il ne faut pas oublier que dans toute l’histoire des Oscars, seuls deux films français - Le Ballon rouge d’Albert Lamorisse et Un homme et une femme de Claude Lelouch – s’étaient imposés dans cette catégorie avant Anatomie d’une chute. Ca n’était donc pas arrivé depuis près de soixante ans ! Ca permet de mesurer l’aspect vertigineux de ce qu’on est en train de vivre. Et ce, je le répète, dans une année, de l’avis de tous les observateurs, de forte concurrence. Ca donne encore plus de valeur à cette récompense.
Qu’est-ce qui se passe une fois la cérémonie terminée ?
Avec tous les nommés, on se retrouve à l’étage du dessus du lieu où se déroule la cérémonie, au Governor’s Ball où les Oscars sont gravés aux noms des lauréats, les uns après les autres. On y a donc passé un certain temps. Puis on est parti à la fête de notre distributeur Neon avant de finir à celle de Vanity Fair. Au moment où je vous parle, il est 2 heures du matin et on est complètement épuisés. Car on est tous partis de notre hôtel à midi même si la cérémonie a commencé à 16 h. Ca fait une sacrée journée !
Si vous n’aviez qu’une image à garder de cette soirée, quelle serait-elle ?
Ce moment où, une quinzaine de minutes avant le début de la cérémonie, en revenant de fumer une cigarette pour s’installer définitivement dans la salle, on a aperçu dans une petite pièce Ryan Gosling en train de répéter son numéro chanté et musical sur I’m just Ken. C’était assez magique.
Cette soirée marque en beauté, pour Anatomie d’une chute, le point final d’une longue aventure entamée avec sa présentation à Cannes en mai dernier. Que ressentez-vous ? Un peu de nostalgie qui commence à poindre ?
Pas de nostalgie, en tout cas pas encore. Il y a surtout un mélange de joue et de fatigue. Et puis le sentiment quand même que Justine (Triet) n’a pas fait tout ça pour rien. On l’a souvent dit mais c’est la réalité : une campagne des Oscars ressemble à une campagne électorale. Et Justine a vraiment joué le jeu à fond. Elle ne s’est pas économisée. Elle en était ce soir à son dixième voyage aux Etats-Unis sans compter ceux qu’elle a faits dans cette optique un peu partout en Europe, en Allemagne, en Italie….
L’après-midi où on a appris les cinq nominations du film, on était surexcités. Mais ce soir, c’est encore autre chose. Repartir avec cet Oscar représente une satisfaction d’autant plus immense par rapport aux sacrifices faits, à cette idée de mettre d’une certaine manière sept ou huit mois vie en pause pour ne se consacrer qu’à ça. On savoure tous ça avec une fierté et une joie incommensurables. Ceux qui ont déjà vécu ce type de campagne nous assurent que se produit ensuite un sentiment de vide un peu dépressif et de nostalgie. Mais ce soir, nous sommes à mille lieux de ça. On savoure, on profite !
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