Disparition de Gaspard Ulliel : le cinéma francophone lui rend hommage

L'acteur doublement césarisé est décédé hier à l'âge de 37 ans.

Alors que le cinéma francophone se pare de noir pour veiller l'une de ses étoiles, l'acteur Gaspard Ulliel, décédé hier des suites d'un accident de ski, bon nombre de ses proches et amis cinéastes ont tenu à lui rendre hommage. L'acteur, dont la carrière démarré en 2001 dans la peau d'un jeune paysan sur le tournage du Pacte des loups, laissera derrière lui en héritage une vingtaine de films composant une filmographie complexe et réfléchie, mêlant comédie et drame, et faisant de Gaspard, le jeune premier, un véritable ancrage du cinéma, frappé au nom d'Ulliel.

Pour ses collègues, ceux avec qui il a partagé l'écran, Gaspard Ulliel était un être singulier, dont la beauté ne s'arrêtait pas au physique mais touchait quelque chose de plus. Une sorte de métaphysique de l'âme incarnée par l'acteur. Pour Karin Viard, jouant sa mère dans Embrassez qui vous voudrez, il était son "gosse".

Sa deuxième mère à l'écran, Nathalie Baye, qui le voyait revenir comme le fils prodige dans Juste la fin du monde, a elle aussi tenu à saluer son Louis. "Il était beau, il était doué , il était tendre, élégant, bien veillant, il était père…." écrit-elle.

Pour Marion Cotillard, sa fragile belle-soeur dans le même film, il était un être de lumière et d'amour, aux côtés duquel l'actrice a "tant vibré". Elle le décrit d'ailleurs comme "une merveille d’homme."

Isabelle Huppert, Anaïs Demoustier, Léa Seydoux, Marina Foïs ou encore Alex Lutz ont également tenu à exprimer leur amour pour l'acteur et ce qu'il représentait, évoquant son talent et leurs souvenirs de lui dans les colonnes de Libération. Léa Seydoux, qui l'avait accompagné dans deux de ses grands rôles (Saint Laurent et Juste la fin du monde) parle de lui comme d'un "trésor national (...). C’était un acteur très accessible, ça peut sembler bizarre à dire, et je ne veux pas dire du mal des acteurs, mais ce n’est pas si fréquent. Il avait une douceur et des égards constants, il était ouvert au monde, il s’intéressait aux gens. Il possédait ce charme singulier d’allier la beauté au talent et il avait une manière bien à lui d’être là tout en étant toujours un peu ailleurs. Cet alliage était irrésistible."

Une métaphore filée par Isabelle Huppert, face à lui au cinéma à deux reprises : "Gaspard avait un mystère autour de lui, mais qui ne consistait pas à l’éloigner des gens, il nous engageait plutôt à approfondir et à nourrir la relation qu’on avait avec lui. Il était tout à fait merveilleux, avec une certaine gravité, pas souvent léger. Je ne l’ai pas assez bien connu pour savoir ce qui se cachait derrière, mais cette gravité lui donnait une intelligence des situations." 

Pour Alex Lutz, qui lui a offert l'un de ses rôles les plus décalés dans La Vengeance au triple galop, l'annonce de son décès est un énorme choc : "Evoquer le métier me paraît aujourd’hui secondaire, tant j’ai l’estomac retourné en songeant à cette belle personne, cet homme bon, ce gentil père de famille, qui avait encore devant lui une autoroute de grandes choses à vivre et à faire. On pourra donc saluer le garçon talentueux, impliqué, qui avait mis un cœur formidable pour s’aventurer avec moi dans ce registre humoristique qui ne lui était certainement pas le plus familier."

Et si l'histoire se souviendra de Gaspard Ulliel pour son interprétation du génie torturé Saint Laurent, c'est bien avec le sixième film de Xavier Dolan Juste la fin du monde que l'acteur repartira avec la statuette du Meilleur acteur aux César en 2016. Son incarnation du personnage de Louis, créé par Jean-Luc Lagarce et porté à l'écran par Dolan, fera du film un succès critique et commercial tant l'émotion apportée par Ulliel y est forte. Une émotion que le réalisateur, très touché par cette disparition, a souligné dans un hommage à l'artiste : "Ton rire discret, ton œil attentif. Ta cicatrice. Ton talent. Ton écoute. Tes murmures, ta gentillesse. Tous les traits de ta personne étaient en fait issus d’une douceur étincelante. C’est tout ton être qui a transformé ma vie, un être que j’aimais profondément, et que j’aimerai toujours."

L'artiste a aussi été salué par les équipes des nombreux festivals auxquels il a assisté et participé. Le premier à lui rendre hommage est celui de l'Alpe d'Huez, qui a tenu à rendre hommage à Gaspard Ulliel, "le plus gentil des mecs". Le Festival de Cannes a également publié un message à l'intention de l'acteur défunt, qui était pour ses organisateurs "le cinéma français du futur".

Et parce qu'après tout, Gaspard Ulliel était aussi une icône, pour Chanel comme pour le cinéma des belles gueules, on aimerait partager cet hommage discret du photographe Mathieu Zazzo, petite séquence sobre d'Ulliel en noir et blanc, un sourire malicieux au coin des lèvres :